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Frédéric Gros distingue quatre dimensions du principe sécurité, qui se trouvent recouper de grandes séquences historiques : la sécurité comme état mental, disposition d'esprit qui définit l'ambition des sagesses stoïciennes, épicuriennes et sceptiques. Puis la sécurité postulée par la vision du monde eschatologique du millénarisme chrétien. Enfin, à l'époque moderne, celle de l'Etat-nation, la sécurité comme garantie des droits fondamentaux. Et de nos jours, la version diffuse et généralisée de la sécurité comme « contrôle des flux », ce que l'auteur appelle la biosécurité avec ses corollaires de « traçabilité » et « principe de précaution ». Frédéric Gros montre comment les fonctions de l'Etat moderne entrent en concurrence dans l'exercice du pouvoir, et comment la dimension sécuritaire du maintien de l'ordre peut faire écran à la première de ces fonctions, qui est celle de garantir les libertés publiques. Il dénonce les risques de confusion, entre les catégories de la sécurité policière et celles de la sécurité du territoire, lorsqu'on parle d' « ennemi intérieur » ou de « guerres urbaines » à propos des émeutes dans nos banlieues. Au nom de cette confusion des genres, l'état de droit abdique, il s'accommode du contrôle des médias, des surveillances abusives, des détentions arbitraires, de l'extension indéfinie du champ pénal.[-]

Les « états d'urgence » présentés par les gouvernements sont en réalité la manifestation de la violence étatique/ coloniale normalisée, que ce soit dans les années 1950 en Malaisie ( Nnull ), 1955 Algérie & 1985 Kanaky ( Léopold Lambert ), Afrique du Sud des années 1980 ( Tshepo Madlingozi ), 2015 Baltimore ( Tara A. Bynum ), ou 2015-2017 France ( Hassina Mechaï & Flora Hergon ).
Les exemples de l'urgence soutenue au Cachemire depuis 1953 ( Mohamad Junaid ) et entre 1922 et 1998 dans le nord de l'Irlande ( Fiona McCann ) illustrent trop bien cette permanence. Le numéro se termine par un entretien avec des membres de l'Alliance des socialistes du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord appelant à un front d'abolition des prisons transnationales à une époque d'urgence mondiale en réponse à la pandémie de COVID-19 ( Lara al-Kateb & Yasser Munif ) .
Couverture : état d'urgence en Equateur 2019, Axel Naranjo
- NOUVELLES DES FRONTS ///2 | La gauche autochtone de Bolivie: le mouvement qui refuse d'être écrasé, Ollie Vargas
5 | Peur d'une planète féministe noire, Fania Noël
8 | Disparu en haute définition: sur la photographie d'archives et les imaginaires nationaux palestiniens, Leila Abdelrazaq
11 | Ce que signifie afro shops pour la diaspora africaine à Berlin, Edna Bonhomme

- PRINCIPAUX /// ÉTATS D'URGENCE
14 | Introduction: une courte histoire coloniale de l'état d'urgence français, Léopold Lambert
20 | Le pouvoir des populations dans les années 80 Afrique du Sud: refuser un état d'urgence permanent, Tshepo Madlingozi
26 | A curfew's tale: Baltimore, AVRIL 2015, Tara A. Bynum
32 | Les expulsés et les exclus: kashmiris sous les nouvelles lois de la citoyenneté Inde, Mohamad Junaid
38 | «Faites-vous à la maison!»: l'état de l'urgence et la recherche à domicile en 2015-2017, Hassina Mechaï & Flora Hergon
44 | Sur l'état d'urgence de 1948-1960 en Malaisie colonisée et l'impérence de mon certificat de naissance, Nnull
50 | «Pouvoirs spéciaux» dans le nord de l'Irlande: abus, répression et résistance, Fiona McCann
54 | Un appel pour un front abolitionniste transnational en temps d'urgence d'état
Lara al-Kateb & Yasser Munif (Alliance des socialistes de la région MENA).[-]